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De son vrai nom Ohan Tuhdarian, Jean Vendome crée sa première collection de bijoux en 1950. Il ne cesse d’œuvrer toute sa vie durant, jusqu’à son dernier souffle en 2017. Son talent protéiforme convoque tout autant l’élan baroque et surréaliste que le graphisme contemporain conférant à ses bijoux cette apparence épurée et très dessinée.

De ces soixante-sept années de travail intense naîtront des œuvres marquées par l’art de sublimer les pierres fines en les mariant à des matières précieuses, le tout avec une technique joaillière très aboutie, fidèle en cela à la règle qu’il s’était lui-même fixée : « servir les pierres sans les trahir ». Pionnier du bijou moderne, son approche particulièrement créative le place entre le bijou d’artiste et la haute joaillerie. Sa démarche rompt avec la tradition de privilégier la qualité des pierres.

La beauté de l’objet-bijou constitue la quintessence de son œuvre, et lui donne cette signature si particulière, cette touche onirique, comme une parcelle de rêve qui sollicite l’émotion et l’imaginaire, un désir matérialisé de capturer la beauté de la nature pour la rendre éternelle, pour qu’elle ne meure jamais.

C’est pourquoi son choix se tourne toujours vers des pierres fantômes, habitées par des inclusions mystérieuses comme le quartz rutile ou le lapis lazuli, qui apportent au bijou ce supplément d’âme. Pour lui, la valeur de la pierre importe peu. Qu’elle soit diamant, géode, fossile ou caillou, rien ne compte plus pour cet artiste-esthète que la beauté, étrange de préférence, car comme le disait Baudelaire « Le beau est toujours bizarre ».

Jean Vendome fut un pionnier du bijou moderne. Œuvre d’art à part entière, petite sculpture à porter, il attribue au bijou une valeur expressive intense. Ses recherches s’orientent d’abord vers la transformation du bijou, permettant de varier le porté et de le rendre ludique et créatif. Par ce biais, les éléments d’un collier ou d’un bracelet peuvent aussi devenir bague ou broche.

Lors de l’exposition monographique présentée à l’École des Arts Joailliers, soutenue par Van Cleef & Arpels, du 08 octobre au 12 Décembre 2020, le public a pu découvrir son univers joaillier d’éclaireur aventureux, qui en véritable artiste s’est appliqué à créer son monde. Réfractaire aux modes, il a créé un style précurseur, très personnel, celui d’un bijou de caractère. Simple et sophistiqué à la fois, puissant et délié, baroque et design, construit et déconstruit, un bijou de Jean Vendome est toujours émotionnel. Pour le mériter, il faut le comprendre et l’aimer car c’est lui qui choisit celui capable de le porter.

Les collections privées présentées mettaient en exergue l’aspect visionnaire de sa création. Cent- trente bijoux environ y furent exposés, et tout particulièrement le merveilleux collier d’Aléna Caillois. Des œuvres issues de collections publiques, notamment celles du Musée des Arts Décoratifs, sont venues également compléter cette rétrospective, ainsi que l’épée de l’académicien Roger Caillois, exceptionnellement prêtée par le Musée des Confluences de Lyon.

Ma rencontre avec les bijoux de Jean Vendome  date de 2006, date à laquelle je me suis rendue pour la première fois dans sa boutique-atelier de la rue Saint-Honoré, enseigne actuelle de la Maison Goyard. J’étais accompagnée du galeriste Yves Gastou qui m’a présentée à l’artiste, travaillant derrière son établi. J’ai commencé à le collectionner et à les porter à cette époque là, sous l’impulsion d’Yves et de notre histoire nouée d’art et de passion. Cette découverte fut pour moi un véritable coup de foudre et  une révélation esthétique qui me rappelait mes premières amours avec l’art nouveau et tout particulièrement l’œuvre de René Lalique, transposée au XXe siècle. J’ai appris d’ailleurs bien longtemps plus tard, par son fils Thierry Vendome que Lalique était son maître et qu’il vénérait son travail. Nos échanges avec Thierry furent si fructueux et passionnants qu’ils furent pour moi le second déclic pour poursuivre dans la voie « Vendome » et choisir ce créneau pour axe majeur de Vissi d’Arte à partir de 2020. J’ai été très émue par l’admiration profonde qu’il vouait à l’œuvre de son père et aussi par la force de son humilité d’artiste-joaillier. J’ai perçu tout de suite chez lui, ce très grand talent s’agrégeant à son extraordinaire héritage joaillier. Les recherches de Thierry Vendome sur des matériaux inexplorés en joaillerie comme la rouille brute ou les empreintes digitales qu’il combine à l’utilisation des matières et des pierres les plus précieuses, prolongent les innovations joaillières de son père.  Ses créations au style immédiatement reconnaissable, celui d’un baroque contemporain, me firent tout simplement réaliser, en les découvrant, que j’avais en face de moi une dynastie d’artistes-joailliers, un exemple très rare de transmission artistique réussie, et qu’il me fallait aussi les collectionner. D’ailleurs, je vis tous les jours avec Thierry car c’est à lui que nous avons demandé mon mari, Élie, et moi de créer nos alliances avec nos empreintes digitales respectives pour notre mariage en 2022 !